vendredi 13 juin 2025 , par
,L’après-midi, j’allais voir le maquis avec Georges. Je ne connaissais pas bien le lieu où étaient tombés les gars des Touches. Je le découvris dans le champs d’ajoncs.
C’est le lendemain, lundi 7, qu’eurent lieu les obsèques de Pierre Rialland à Joué. Je passais aux Touches prendre une inscription pour une gerbe de fleurs. Nous nous trouvâmes presque tous les anciens du groupe. Jamais je n’ai vu un tel enterrement. Il y avait une foule immense.
L’église était pleine. Nous eûmes peine à y trouver place. A la fin de l’office, nous entendîmes du tapage au-dehors, coup de sifflet, bruits d’auto. Cela produisit un peu de panique dans l’église. Nous nous pressâmes de sortir. C’était des FFI qui arrivaient, dont le capitaine Aubry que j’allais saluer. Quand le cortège sortit, précédé de deux longues files de porteurs de gerbes, nous le suivîmes. Le porte-croix portait le brassard des FFI, c’était Lionel Gaillard, le fils de la propriétaire des Rialland, membre du groupe de Joué. Bien des gens pleuraient. Un discours fut prononcé, tous ne l’entendirent pas, et pourtant, ce fut un déluge de larmes, on entendait les sanglots, je ne sais pas s’il se trouva des assistants ayant les yeux secs. Le père Rialland adressait la parole à tous ceux qu’il connaissait, avec un sang-froid très digne.
Quand je lui tendis la main, il dit : "Voilà les gars des Touches, les camarades de mon Pierre. Je veux vous voir à la sortie pour causer avec vous." Je me hâtais de serrer la main aux autres membres de la famille, et me sauvais en sanglotant, et c’est en pleurant que j’écris encore en ce moment (23 Septembre 1945).
A la sortie du cimetière, il nous retrouva et nous dit ce qu’il savait. Pierre était parti avec Yacco et Mauras, le jeudi sans doute. Ne rentrant pas, la famille était inquiète. Le samedi, on leur dit qu’on avait trouvé un jeune homme tué du vendredi, sur la route de Teillé, démuni de papiers et qu’on s’apprêtait à enterrer. Le père reconnut son Pierre. Les trois FFI avaient débouché sur un peloton de cyclistes allemands, des officiers. La route n’étant pas droite, ils ne les virent pas tous. Yacco ordonna le feu. Les Allemands ripostèrent. Nos trois combattants essayèrent de traverser les haies. Yacco et Maurras y parvinrent, l’un de chaque côté de la route. Quant à Pierre, blessé, il fut achevé de plusieurs balles. Les Boches lui enlevèrent sa montre, son portefeuille, etc. Yacco et Maurras se sauvèrent à travers champs, chacun se croyant le seul rescapé.
Cette mort me fut extrêmement pénible. Celle de mes camarades de mon groupe l’avait bien été aussi, mais je n’avais pas perdu Pierre, qui me semblait verni. Je le sentais fort, clairvoyant. J’aimais à m’entretenir avec lui de l’avenir de la Patrie.
La semaine suivante, un service solennel était célébré, à Teillé, à sa mémoire. Je ne pus y aller. Albert, Dinand, B.Etienne, Pierre Martin s’y rendirent. A l’issue de la cérémonie, une longue procession s’achemina sur le lieu de la mort glorieuse de Pierre, où fut béni un calvaire fraîchement élevé.
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