vendredi 30 août 2024 , par
Le monument du Maquis Sud-Loire à La Chevrolière - Gorges - La Chapelle-Heulin - Vallet
• Sources : Archives nationales – section du XXe siècle – site de Pierrefitte :
• Guerre de 1939-1945. Archives du Mouvement et journal clandestins « Résistance » (72AJ/2468-2496)
1. Les archives en quelques mots
• Elles permettent à la fois de retracer l’histoire du réseau et les faits de résistance de ces membres pendant la période de clandestinité, sa liquidation, mais aussi la manière dont il a perduré via l’amicale des anciens du réseau, de 1945 jusqu’aux débuts des années 20001.
« La raison d’être de l’Amicale du mouvement Résistance réside dans la nature même de ces archives qui permet à l’organisation de connaître et aider ses membres. Outre l’animation de l’amicale fondée en décembre 1945 (regroupements annuels de ses membres, commémorations, publication du bulletin interne, etc.), les administrateurs de l’association, également investis statutairement comme liquidateurs du mouvement après-guerre, se sont attachés à aider tout particulièrement leurs membres à obtenir les marques de reconnaissance et les décorations auxquelles leur engagement et les sacrifices consentis pendant la Seconde Guerre mondiale leur donnaient droit. » (cf. Description du contenu des archives)
• L’intérêt principal de ses archives résident cependant dans les dossiers individuels qui permettent de se rendre compte de la diversité des parcours des membres du réseau, et de la résistance « ordinaire », loin du sensationnel des récits de résistance qui ont pu être mis en avant. La plupart du temps, il est question de « contacts avec la résistance, nombre de faux papiers fabriqués et délivrés, nombre d’exemplaires de journaux et de tracts clandestins pris en charge et diffusés, nature de l’aide apportée aux aviateurs tombés sur le sol français, collectes d’armes etc. »
• La plupart de ces dossiers nominatifs, bien qu’ils présentent des pièces d’information datant des années 1940, sont principalement constitués de rapports et lettres de demande de reconnaissance des actes de résistance, rédigés dans les années 1950. On se rend compte que dans l’immédiat après-guerre, période trouble, celle de l’épuration, des règlements de comptes – les réseaux de résistance, surtout de l’intérieur, sont souvent perçus comme des milieux de sombre réputation, mal connus, mal circonscrits. On peut en partie expliquer l’oubli de ces petits réseaux locaux pour ces réseaux, au profit des grands résistants et de celles et ceux qui avaient rejoint le Général de Gaulle à Londres ou en Afrique du Nord, les compagnons de l’Ordre de la Libération, les FFL et les FFI (ceux qui seront reconnus comme résistants après 1943). Les dossiers de demande de reconnaissance, souvent pour obtenir une médaille ou une pension, témoignent du caractère exigeant des critères et de l’importance de la certification des récits de résistances par d’autres membres du réseau. Souvent considérés comme des « soldat(s) sans uniforme des Forces françaises combattantes », il leur arrivait régulièrement de voir leur demande rejeter « à défaut d’homologation des services par l’autorité militaire n’avait pas fourni de justifications suffisamment probantes d’une activité résistante pendant 90 jours au moins avant la date du 6 juin 1944 ». L’amicale de Résistance est intervenue pour aider ses membres à faire reconnaitre leurs actes de résistance, leur chronologie, et faire valoir leur droit.
« Il faut néanmoins souligner que le résistant engagé dans le feu de l’action contre l’ennemi n’a pas toujours été en mesure de collecter ces témoignages, preuves de son engagement, isolément ou en groupe. Sans doute aussi les traces tangibles d’engagement dans la Résistance, qu’il aurait éventuellement conservées tout au long du conflit par devers lui, auraient-elles pu être sources de danger pour le combattant de l’ombre et ses camarades si elles avaient été interceptées par l’armée d’occupation et ses auxiliaires français. D’où la quête parfois difficile, bien des années après la Libération, qu’ont menée certains adhérents de Résistance désireux de reconstituer la chronologie des événements dans le but d’appuyer leurs demandes auprès des services de l’État. » (Cf. description du contenu des archives)
2. Le Mouvement « Résistance » (1942-1945)
• Mouvement fondé en août 1942 par le docteur Marcel Renet, dit Jacques Destrée (1905-1979), ancien membre du réseau « Jeune République », basée au 33 rue Miromesnil (Paris, 8e, a proximité immédiate de Beauvau et de l’Elysée). Le 21 octobre 1942 : publication du premier numéro du journal clandestin qui donne son nom au mouvement, Résistance ». Le tirage passe de 5000 exemplaires au début à 100 000 exemplaires pour chaque parution. Paul Steiner, secrétaire de Destrée, est chargée de la publication et de la bonne distribution du journal par les groupes du mouvement partout en France. Pour l’anecdote, le groupe de résistance dit du Musée de l’Homme, démantelé en février 1942, avait lui aussi choisi ce nom pour son journal (1940-1941).
• Bien que fondé en août 1942, le mouvement Résistance est homologué officiellement le 9 juillet 1948 et reconnu unité combattante le 30 juillet 1952 par arrêté du ministère de la Défense nationale.
« Tout en revendiquant une position autonome au plan hiérarchique vis-à-vis des instances de la France combattante présidées par le général de Gaulle, le mouvement Résistance s’attache cependant à inscrire ses actions en liaison étroite avec les équipes du chef de la France combattante. C’est ainsi que Jacques Destrée est mis en contact direct, en 1943, avec Jean Moulin, dit Max, représentant du général de Gaulle. En septembre 1943, Jacques Destrée devient président de la Fédération de la presse clandestine. Résistance participe ensuite de la création du Mouvement de libération nationale (MLN) dont les deux premiers buts sont : « rendre plus intense et plus efficace contre l’ennemi et contre les traîtres, la lutte pour la libération (...) » et « défendre par la presse les intérêts de la France et de l’Empire ». » (Cf. historique du producteur de l’archive)
• Objectif principal et premier = la diffusion d’un journal clandestin qui se voulait être le relais de toutes les voix de la résistance intérieure. La diffusion se fait particulièrement bien à Paris et dans le grand-Ouest. Il faut noter l’existence d’un complément spécial pour la région Ouest, intitulé La Flamme. A la diffusion du journal et parfois d’autres journaux amis, s’ajoute progressivement d’autres faits de résistance. « Les membres de l’organisation entreprennent pour la plupart des actions d’autres types afin de libérer la France du joug nazi : lutte contre la déportation des réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) et recrutement de réfractaires pour les FFI, noyautage des administrations publiques (NAP), aide aux enfants juifs, combats pour la libération de la France ». (Cf. historique du producteur des archives)
« Cet organe de presse, salué dès sa création en octobre 1942 par la radio de Londres, fut diffusé tout au long de la guerre non seulement dans la population mais aussi dans les administrations, ce qui permit la contribution au noyautage des structures étatiques en vue de la libération de la France. » (Cf. historique du producteur des archives)
• Organisation = le mouvement revêt une dimension nationale et s’appuie sur un réseau de catholiques issus du mouvement « Jeune République » fondé par Marc Sangnier. Depuis Paris, Destrée prend contact avec des personnes en province. En parallèle de cette structuration centralisée, apparaissent des groupes de diffusion du journal de manière spontanée. Pour ce qui concerne la Montagne, Destrée contact Yves Agasse, qui deviendra le responsable du groupe « Résistance » de Nantes et de la Vendée. En 1943, Yves Agasse contact Fred Payen, de la Montagne. Celui-ci fonde le groupe « Résistance » de la Montagne, puis deviendra le bras droit du général Audibert (réseau Libération-Nord). « Résistance » et « Libération-Nord » sont ainsi les deux principaux réseaux de résistance en Loire-Atlantique.
• Détaché du groupe de La Montagne par Payen, Albert Travers fonde le groupe de « Résistance » au Pallet à l’été 1944.
3. Le groupe « Résistance » de La Montagne
Sur la base du rapport de Fred Payen, chef du groupe de résistant de La Montagne (puis chef des mouvements de résistance du Sud de la Loire), remis au général Audibert (Mouvement Libération-Nord), dont il est le bras droit. (cf. 72AJ/2487 > dossier « Payen » > Rapport au Général Audibert, Chef régional de la résistance, sur l’action des Groupes du Sud-Ouest de la Loire-Inférieur (de la route No 178 à la mer) par le Capitaine Payen, Ingénieur de Directions de Travaux de 1re classe de la Marine)
Dès 1940 : quelques « patriotes » s’opposent à l’occupation et résistent « chacun de leur côté » par la diffusion de tract, de sabotage du matériel allemand, freinage du travail en usine. A partir de 1942-1943, ils diffusent la presse clandestine : le journal Résistance, son complément La Flamme, et Franc-Tireur. Fred Payen fait parti de ces hommes, contacté par Yves Agasse, chef régional (Nantes et Vendée) du mouvement Résistance.
En juillet-août 1943, Fred Payen organise un groupe des résistants à La Montagne et au Pèlerin en lien avec le mouvement Armée secrète-Libération Nord dont le chef est le général Audibert (pour la région Ouest). Les chefs seront les capitaines Payen (Fred Pernet) et Legeay (Lormont). D’une dizaine d’hommes au départ, une douzaine s’ajoute rapidement, dont Albert Travers (chef du groupe du Pallet en 1944). Le recrutement s’accélère notamment grâce à la diffusion de la presse clandestine. Le groupe de La Montagne élargit ses actions à Bouguenais, Bouaye, Cheix-en-Retz, Saint-Lumine-de-Coutais, Machecoul, Vue et le Pellerin (rattaché à La Montagne). Au début de l’année 1944, le groupe comprend une cinquantaine d’hommes.
Les actions du groupe :
• Récupération d’armes capturées aux allemands,
• Sauvetage d’aviateurs alliés descendus en parachute
• Renseignements sur les travaux des Allemands sur la côte ouest de l’Atlantique,
• Capture d’essence
• Repérage des batteries de DCA,…
Le groupe participe, dans des conditions difficiles, à la formation de plusieurs maquis dont celui de Geneston et de Princé et servent d’agent de liaison entre différents groupes. Plus de 22 groupes seront créés sous la direction de Payen, essentiellement dans le pays de Retz, à l’acception de celui du Pallet. Ils rassemblent près de « 450 adhérents tous engagés par écrit et prêts à entrer aen action à l’intérieur des lignes ennemies si l’ordre leur en avait été donné et leur moyens fournis ».
Après la Libération en septembre 1944, l’action du groupe qui se font avec les FFI se concentre sur la poche de Saint-Nazaire qui ne sera libérée qu’en mai 1945.
4. Albert Travers et le groupe de résistance du Pallet
Références : Travers (Albert) nom de guerre : Galandin (1947-1954). À signaler : rapport sur le groupe Résistance formé à Le Pallet, Loire-Inférieure. 72AJ/2492
Dossier individuel établi dans le cadre de la liquidation du mouvement Résistance. Mémoires établis pour la reconnaissance de l’activité résistante d’Albert Travers, l’attribution du statut de « combattant volontaire de la résistance ».
Ses faits d’armes, rapportés en 1954 (en vue de l’obtention de la "qualité de combattant volontaire de la résistance") ont été certifiés par Fédéric Payen (pseudo « Fred Pernet »), chef de groupe de résistance du secteur sud-ouest de Loire-Inférieur, qui joua un rôle important dans la formation de la poche de Saint-Nazaire.
Albert Travers (pseudo "Galandin") est né à Cherbourg en 1912 (mort en 1990 à St Nazaire). Il était chronometreur à la Montagne. D’octobre 1942 à juin 1943, il est déporté en Allemagne pour faits de sabotage à la Marine Indret. Il revient en France.
Réfractaire au STO le 31 mai 1943, il devient commis de ferme à Frossay et il entre en résistance. Il est contacté par le capitaine Legeay du groupe de La Montagne qui l’informe que la résistance souhaite utiliser les terrains près de la ferme où il travaille pour l’aviation alliée. De juin à novembre 1943, il se voit alors chargé de fournir des renseignements :
• « Etudier l’esprit des fermiers aux alentours
• Signaler ceux ayant l‘esprit de collaboration et leurs relations avec l’occupant
• Indiquer les mouvements et stationnements de troupes ennemis sur la commune de Frossay »
En décembre 1943, inquiété par les gendarmes, il quitte Frossay. Fred Payen, chef de la Montagne l’affilie à son groupe. Il se réfugie au Pallet, là ou Payen lui a demandé « former un noyau de Résistance, et fournir des renseignements ». Il sera aussi agent de liaison avec des groupes de Clisson et Vallet. Parmi les hommes qu’il rassemble au Pallet (une vingtaine) on trouve une majorité de palletais (14), mais aussi des réfugiés comme Travers. Une partie d’entre eux est engagée comme FFI.
De janvier/février 1944 à juin 1944, Travers et ses hommes renseignement sur les mouvements de troupes allemandes, par route et chemin de fer, qui se dirige de la Manche vers l’Océan en passant par le Pallet. Des reconnaissances sont menées dans les communes de Monnières, La Chapelle-Heulin et Maisdon-sur-Sèvre pour identifier les troupes ennemies en stationnement. Ils distribuent 5 à 6 journaux mensuellement. Des journaux remis par les responsables du groupe de La Montagne, en échange de quoi il donnait ses renseignements. La plupart du temps, Albert Travers assure la liaison entre le Pallet et la Montagne à bicyclette (64km aller-retour) et manque de se faire arrêter plusieurs fois par les Allemands. Il fait diversion en montrant sa carte de la Croix rouge, dont il faisait partie des équipes d’urgence.
En juillet 1944 dans la nuit du 3 août 1944, lui et ses hommes opère un sabotage de deux trains allemands sur la ligne Nantes-Bordeau en gare du Pallet. De nuit, ils incendient les deux trains devaient partir pour la Normandie, alors que l’aviation britannique mitraille la gare le Pallet, principalement les alentours de la gare et du pont ferroviaire sont bombardés à plusieurs reprises dès la fin juin jusqu’à début août 1944 par les Anglais, certaines bombes endommagent des habitations causant parfois des blessés légers. En août le 30 août, ils capturent 5 soldats allemands avec armes et bagages dans la forêt de Monnières-Maisdon village de la Bigotière à Maisdon-sur-Sèvre. Ces soldats sont gardés dans le moulin Gautron en réalité moulin de Gervaux, le moulin Gautron étant à Vertou, au Pé de Vignard, alors désaffecté, en attendant qu’un groupe de FFI ne viennent les chercher. Enfin, ils participent, avec un groupe de Vallet à chasser des Allemands, battants retraite et réfugiés dans le bois des Dorices.
Le 1er septembre 1944, ils rejoignent la caserne Cambronne à Nantes avec des armes pris aux Allemands. Ils incorporent ainsi l’armée et prendront ensuite position sur le front de la poche de Saint-Nazaire, à partir d’août 1944 (dans le secteur de Plessé pour A. Travers).
NB : Les mentions en vert proviennent de l’ouvrage sur l’histoire du Pallet [Association culturelle Pierre Abélard. Le Pallet, Patrie d’Abélard. 2003 (2e édition)], pages 130-135. Elles permettent de recouper le témoignage d’Albert Travers avec ce que certains Palletais avaient encore en mémoire au début des années 2000. On notera que l’existence d’un groupe relié à un autre, situé à La Montagne, était ignorée. On parlait plutôt de « jeunes palletais » sans pour autant savoir qu’il y avait eu un groupe de résistants.
Malgré plusieurs lectures, ma connaissance des mouvements et des réseaux de résistance dans le vignoble nantais reste limitée. Peu d’historiens se sont penchés sur cette zone spécifique (mais plutôt sur la poche de St Nazaire ou la résistance dans le Nord-Loire). Il semble difficile d’en faire une histoire claire et définitive, tant les réseaux et leurs responsables ont pu changer, au fil des années et des arrestations. Sans compter que tout cela se faisait dans la clandestinité. Beaucoup d’éléments repose donc sur les témoignages recueillis quelques années plus tard (pour ceux qui ont bien voulu parler, et ceux qui ont souhaité faire reconnaitre leur acte de résistance).
Page sur Le Pallet réalisée avec la participation de Laurent Tessier,
ci-dessous :