dimanche 11 septembre 2022 , par
* * * LE DUEL GIRAUD - DE GAULLE * * *
Extraits du magazine non conformiste "Le Crapouillot" - Nouvelle série - N° 1 - Hiver 1967-68 - Pages 39 à 43.
Le 8 novembre 1942 est un dimanche. La B.B.C. répète en français le signal : << Allo Robert, Franklin arrive >>.
Robert, c’est Murphy, le représentant de Roosevelt en Afrique du Nord. 800 navires alliés cinglent vers le Maroc et l’Algérie pour y débarquer les troupes américaines.
A l’hôtel Connaught, à Londres, le général de Gaulle dort. Les Américains ont préféré se passer de son concours et Churchill a partagé cet avis. De Gaulle a été délibérément tenu à l’écart des décisions alliées : sur place ce sont des Français non gaullistes qui ont préparé le débarquement allié.
A Londres, le chef d’état-major de de Gaulle, le colonel Billotte, n’est prévenu du débarquement américain qu’au moment où celui-ci est déjà commencé. Billotte va réveiller de Gaulle qui manifeste une violente colère : - J’espère bien que les gens de Vichy vont les foutre à la mer, crie-t-il.
De Gaulle est reçu le même jour par Churchill et Eden qui le persuadent de ne pas s’exclure lui-même de ce tournant de la guerre. Il lance dans la soirée un appel radiodiffusé aux Français d’Afrique du Nord.
Mais, trois jours plus tard, parlant le 11 novembre à l’Albert Hall, il proclame que la nation attend << de la France combattante et d’elle seule la direction de son combat >>. Les gaullistes ne s’y trompent pas : ils viennent d’entendre l’excommunication des Français qui à Alger ont collaborés avec les forces américaines.
L’assassinat de Darland, le 24 décembre 1942, par le jeune Bonnier de la Chapelle donne à de Gaulle une chance inespérée de rétablir à son profit la situation. En fait, il n’a plus devant lui que la personne du général Giraud, dépourvu de toute ambition politique et qui ne pense qu’à poursuivre militairement la lutte contre l’Axe. (Le terme Axe, désigne l’ensemble des pays : Allemagne, Italie et Japon, qui se sont battus contre les Alliés).
La rencontre entre Giraud et de Gaulle, demandée par Roosevelt et Churchill, a lieu à Anfa au Maroc.
Giraud a répondu immédiatement à l’invitation des deux chefs alliés ; dès ses premiers entretiens, il obtient ce qui lui paraît essentiel, l’équipement d’une puissante armée française.
De Gaulle, d’abord récalcitrant, doit céder à un véritable ultimatum de Churchill qui menace de lui couper les vivres.
De Gaulle atterrit au Maroc, le 22 janvier 1943, de méchante humeur. Il se cabre quand Giraud l’accueille par un familier << Bonjour, de Gaulle >> qui lui rappelle l’époque où il était à Metz sous ses ordres. Il riposte : << Racontez-nous comment vous avez été fait prisonnier en 1940 >>.
L’après-midi, constatant que la villa où Roosevelt l’accueille est gardée par des sentinelles, de Gaulle se plaint d’être << encerclé en terre française par les baïonnettes américaines >>. Quand il consentira à voir Roosevelt, il précise << Je n’aurais jamais consenti à vivre dans cette maison sous la protection de barbelés et baïonnettes américaines si je n’avais pas appris qu’elle appartient à un Danois et non à un Français >>. Autrement, estime-t-il, l’utilisation de la villa pour la conférence eût représenté une atteinte à la souveraineté française.
Roosevelt dit à de Gaulle que la France se trouve dans une telle situation militaire qu’elle aurait besoin d’un général de l’envergure de Napoléon :
Ce fut cette entrevue qui fit comprendre à Roosevelt quel problème représentait de Gaulle.
La conférence se clôt tout de même sur la poignée de mains de Gaulle-Giraud. Cette poignée de mains n’indique pas, que la petite guerre des deux généraux français est terminée. Elle ne peut l’être que par la victoire du plus fort ou du plus rusé.
De Gaulle n’admettra pas longtemps que Giraud, même privé de pouvoir, reste co-président du C.F.L.N. Profitant de l’absence de son rival, parti négocier à Washington la fourniture de matériel de guerre américain, il lui soustrait la responsabilité de la Défense Nationale.
<< Messieurs, vous me foutez à la porte >>, s’écriera Giraud à son retour.
La libération de la Corse dont Giraud a pris l’initiative provoque une scène violente entre les deux généraux.
<< Vous m’avez volé la Corse, vous m’avez volé la Corse >>, lui crie de Gaulle. Il lui demande de présenter spontanément sa démission. Giraud refusant, le C.F.L.N. décide que le général d’armée Henri Giraud prend le commandement effectif des armées en opération et annonce qu’il a cessé << d’exercer ses fonctions de membre et de président du comité >>.
De Gaulle reste seul président du Comité Français de la Libération Nationale.