mercredi 6 juillet 2022 , par
Extraits du livre : UN BATAILLON DE L’OMBRE
Jean Coché
Fondateur et Commandant du 1er Bataillon de marche F.F.I de Loire-Inférieure
Ancien Chef militaire départemental du mouvement "Libération-Nord"
Ce sont les Armes, légèrement modifiées de Charmes-sur-Moselle (Vosges), ville natale du Commandant Jean Coché.
Dans les Armes de Charmes, la levrette tourne la tête vers l’arrière.
Étant donné qu’un combattant ne doit jamais regarder dans cette direction, nous avons rectifié la position.
La devise de Charmes est "Fidélité charme les cœurs."
Fidélité à la Croix de Lorraine, cet emblème, nous convenait donc parfaitement. (Page 14)
Résistant depuis 1940.
A fait l’objet de la part des autorités allemandes d’un arrêté d’expulsion, avec confiscation de tous ses biens, le 5 septembre 1940 à Metz (Moselle). Il n’était, bien sûr, pas à Metz à ce moment là.
Fixé à Nantes en 1943 il est rattaché au groupe Burlot (Réseau Eleuther) en juin 1943.
Après les bombardements de septembre 1943 sur Nantes, il présente à Jean Guilbaud du groupe Burlot, Michaud, qui sera présenté par Guilbaud au C.D.L (Comité Départemental de Libération). Michaud (Dariès) deviendra le chef départemental F.F.I en mars-avril 1944.
Jean Coché, qui est artilleur, attend des ordres de Michaud, qui est lieutenant d’active dans l’infanterie.
En mars 1944, Jean Coché est nommé avec le grade de Commandant, fondateur et chef du 1er Bataillon F.F.I de Loire-Inférieure, dont la zone d’action correspondra à l’arrondissement d’Ancenis et une partie du Maine-et-Loire.
Le 5 août, à l’approche des armées alliées, il déclenche les combats. Libère Ancenis et l’arrondissement, puis Candé, Ingrandes, soit deux mille kilomètres carrés, sans toucher à un habitant, ni à une tête de bétail.
Commandant du secteur de la Loire de Saint-George-sur-Loire à Oudon (août 1944). Forme avec deux bataillons et seulement mille six cents hommes, un front défensif, de Blain à la Loire, qui deviendra le secteur centre de la future poche de Saint-Nazaire. Avec ses deux maigres bataillons, il contient trente trois mille allemands, qui ne reprendront pas Nantes.
Commandant du secteur Nord (de Blain à Redon), avec sept bataillons (cinq mille hommes) jusqu’à fin novembre 1944.
Garde du corps, à droite, du Général de Gaulle, lors de la remise de la Croix de la Libération à la ville de Nantes, en janvier 1945.
Revenu à la vie civile le 25 janvier 1945, il est nommé au C.D.I, où il devint membre de la Commission de la Presse et président de la Commission Militaire.
Comme tel, il est chargé d’établir un rapport sur la réorganisation de l’armée qu’il ira défendre en Sorbonne devant le Conseil National de la Résistance.
Président, puis Président d’honneur de l’Amicale des Anciens du 1er Bataillon.
Ancien Président (dix-sept ans) de la Fédération des Bataillons de Loire-Inférieure.
Président d’honneur des Anciens de la Légion Étrangère de Loire-Atlantique.
Président, puis Président d’honneur du Comité de Loire-Atlantique de France-Etats-Unis.
Membre du Comité d’honneur de France-Canada et de l’Unicef.
Vice-président du groupe nantais des ingénieurs Arts et Métiers.
(Page 10)
Dans notre région, le mouvement de résistance le plus étoffé était Libération-Nord. Avant la triste affaire de Saffré, cette organisation coiffait la bataillon d’Ancenis (1er Bataillon Commandant Coché), le bataillon d’Héric (Capitaine Glagean), le bataillon de Pontchâteau (Commandant Meaude), le ou les bataillons de Nantes (Capitaine Bourse), le bataillon de Clisson (lieutenant Trouvé chargé de "rassembler" car, n’ayant pas encore accompli de service militaire, il était prévu de passer le commandement de ce bataillon à un capitaine parachuté).
Le Front National d’obédience communiste avait sa zone d’action à Nantes et dans la région du Gâvre. Il avait recruté un bataillon de 300 à 400 hommes.
(Page 18)
Pour coiffer l’ensemble des formations militaires, il y avait l’armée secrète qui devait contrôler les nominations des responsables régionaux et départementaux et mettre en place les bataillons.
Certaines formations communistes (F.T.P) ont refusé de se soumettre à l’Armée Secrète.
Le Général Audibert, notre vénérable maître et grand ami, avait, avec une abnégation courageuse, malgré son âge, réussit à former, en Bretagne, une robuste armée de patriotes. Il avait, obéissant à son amour de la France, accepté cette indispensable mais combien dangereuse mission.
Hélas, les bavardages dans les cafés et, peut-être la trahison inspirée par un arrivisme sordide, provoquèrent l’arrestation, en Loire-Atlantique, de toute la tête de la résistance, en janvier 1944.
(Page 19)
En janvier 1944, ce fut la grande rafle. 150 officiers et sous-officiers de l’armée secrète furent arrêtés. A leur tête, le Général Audibert.
La réserve comprenait cinq officiers ou assimilés. Il fallait remonter un état-major et cinq ou six bataillons.
En mars 1944, nous avons reçu, à Ancenis, chez M. et Mme Mauget, la visite du Colonel de War (Meunier). Il était responsable de la subdivision M3 qui comprenait la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Vendée.
La région M (le Mans) comportait en outre trois autres subdivisions :
Étaient présents à la réunion :
Colonel de War, Michaud, Sous-Lieutenant Hervé (qui accompagnait de War), Meaude, lieutenant d’active d’aviation, Glagean (Philippe) Premier Maître Principal de la Marine, Bourse, Commissaire de Police, Coché, Lieutenant de Réserve d’Artillerie et un angevin, militaire de carrière.
De War procéda aux nominations suivantes :
Le jeune Trouvé de Clisson qui n’avait pas fait de service militaire fu chargé de continuer le recrutement dans le Sud de la Loire. Il fut nommé Lieutenant honoraire. Il était en outre, convenu qu’un officier parachuté viendrait en temps opportun prendre le commandement de cette unité en formation.
Le Colonel de War regagna Paris et nous laissa le Sous-Lieutenant Hervé comme instructeur et pour assurer les liaisons avec les départements voisins.
Chacun s’occupait activement à rassembler les éléments du bataillon dont il avait reçu le commandement.
(Page 21)
Le colonel Kinley, qui ne s’était pas résolu à couper sa barbe, ne pouvait pas quitter sa cachette du château de "Beau Soleil", situé entre Mauves et Thouaré. Ce château est la propriété de la famille Vichatsky de Nantes, qui l’avait mis à la disposition de la Résistance.
Pour approcher le colonel Kinley, il fallait être obligatoirement accompagné de son chef de 2ème Bureau : Xavier Dick (René Terrière).
Un certain vendredi, j’attendis Xavier Dick dans une petite carrière proche du château où nous nous étions déjà rejoints.
Poussé par je ne sais quel pressentiment, je suis allé me placer au-dessus de la carrière, dans un verger, d’où je pouvais tout voir sans être vu.
J’attendais un cycliste, qui ne vint point.
J’ai bien aperçu une camionnette, à laquelle je n’ai attaché aucune importance.
Ce fut seulement le lendemain que j’appris, par l’agent de liaison chargé de me contacter le jeudi soir, que Xavier était à bord de la voiture.
Il m’avait fait demander de tendre une embuscade à la carrière, car il venait d’être arrêté par la milice.
Lui aussi, comme Mme Perraud, était allé beaucoup trop loin.
Je lui avais recommandé, quelques jours auparavant de se mettre au vert, dès que nous aurions vu Kinley. Mais il croyait en son étoile. Il avait déjà été arrêté une fois et relâché tout comme Meaude.
Xavier Dick, ce brave entre les braves, que j’aurais aimé libérer, n’est, hélas, jamais revenu.
(Page 40)
Au nom de la France
Le 15 mai 1945, le général de Gaulle, par décret me faisait Chevalier de la Légion d’Honneur en même temps qu’il me décernait la Croix de Guerre avec Palmes.
Le 14 juillet, devant le front des troupes, le général Audibert me remit mes insignes en me disant : "Coché, je profite qu’il n’y a pas de Président de la République pour vous armer Chevalier, comme au moyen-âge, et cela au nom de la France !".
On a beau se prendre pour un dur, cela fait quand même un petit quelque chose !
(Page 149)
L’Etat-Major de Londres connaissait par de War la situation des effectifs FFI.
Nous l’avons dit ; une bataillon dans la clandestinité devait compter 250 gradés et volontaires au maximum.
Olivier et Barat avaient, je crois, pour mission essentielle, d’évaluer les effectifs "maquis" qui devaient, comme nous l’avons dit, venir compléter ceux de nos bataillons.
Ils rencontrèrent Briac le Diouron dit Yacco qui se disait responsable "maquis". Il flirtait un peu avec l’I.S, c’est pourquoi il était tenu à l’oeil.
Toujours est-il que, répondant à une demande de mobilisation immédiate d’une centaine d’hommes, il remplit sa mission dans l’heure.
Au cours de la réunion qui eut lieu chez Rouquié, le cas Yacco fut évoqué.
En récompense de cette mobilisation rapide, il fut nommé, devant moi, lieutenant honoraire étant entendu qu’il n’aurait pas de commandement.
Le "colonel" Félix lui accorda par la suite un troisième puis un quatrième galon à quelques jours d’intervalle. Bourse et Trouvé prirent d’autorité quatre "ficelles". Seul Glagean garda très honnêtement les galons de capitaine que lui avait donnés le colonel de War.
Il avait été convenu, à Héric, à ma demande, qu’il y aurait trois parachutages d’armes :
Le premier pouvait avoir lieu rapidement. Sur les 100 ou 150 hommes mobilisés par Yacco, il fallait en garder 70 à 80 dans le maquis pour ramasser les containers et camoufler les armes.
Mais c’est là que commence le véritable drame de Saffré.
Les commandants Olivier et Barat étaient toujours là ainsi que Yacco, Glagean, Hervé, etc...
Les maquisards non mobilisés s’inquiétèrent de l’absence de leurs camarades et ce furent bientôt plus de 300 hommes qui rejoignirent Saffré.
A Saint-Marcel, dans le Morbihan, le colonel Morice (Chenaillé) avait réuni un important maquis car il avait reçu l’ordre de mobiliser et de provoquer une véritable bataille afin de fixer en Bretagne les divisions allemandes qui s’y trouvaient et de les empêcher d’être disponibles à la veille du débarquement.
Il avait reçu non seulement des parachutages importants, mais aussi un renfort de première valeur : les "bataillons du ciel" du colonel Bourgoin.
C’étaient des parachutistes entraînés en Grande-Bretagne et commandés par des chefs remarquables.
Le Lieutenant de la Bourdonaye, Yacco et Jean-Pierre Dautel étaient allés à Saint-Marcel emmener deux aviateurs anglais tombés dans la région. Ils s’étaient servis d’une camionnette bâchée.
Un capitaine anglais qui s’occupait des parachutages, remplit d’armes et de munitions la fourgonnette pour remercier nos amis. Il y en avait un peu moins d’une tonne.
Au retour, ils se heurtèrent à un barrage de gendarmes français et allemands. Les Français furent magnifiques et nos amis rentrèrent à Saffré avec leur chargement.
L’affaire de Saint-Marcel fut bien menée par des officiers capables d’obtenir la discipline nécessaire à la bonne exécution des ordres qui émanaient de l’État-major.
Quoi dire de Saffré ? 300 bretons, décidés à se battre, même à poitrine découverte contre des canons ! Alors qu’aucun ordre supérieur ne le demandait !
Nous avions reçu des ordres précis. Nous devions engager le combat à l’approche des troupes alliées. Nous devions attaquer l’ennemi sur ses arrières pour faciliter l’avance de nos amis.
Malgré l’insuffisance en armes et munitions, tous les petits gars se battirent courageusement. Le colonel Kinley a particulièrement apprécié la conduite admirable du sous-lieutenant Noblet, gendarme de la fameuse légion du Morbihan. Avec son fusil-mitrailleur, bien placé, il en aurait "aligné" une bonne section. Il s’est ensuite intelligemment replié avec ses hommes et après avoir enterré ses armes, il s’est évanoui dans la nature. Il m’a rejoint au début des combats au grand jour, avec ses armes déterrées et nettoyées.
Il y a eu, bien sûr, d’autres actions héroïques, dignes de celle-ci. Ce n’est pas notre but de les décrire toutes dans cette plaquette. En rendant hommage à Noblet, je salue au nom du Général Audibert et au mien, tous ceux qui ont conscience d’avoir fait tout leur devoir.
Mais je constate qu’à part la capture de Glagean et de l’admirable Abbé Ploquin, aucun officier n’a été tué ni blessé. Je m’abstiendrai d’épiloguer sur ce point !
Glagean a heureusement échappé au poteau d’exécution. Il a eu, en outre, la chance de s’évader, près de Belfort, du train qui l’emmenait en déportation. Rentré à Nantes, il prit en août le commandement d’une compagnie de "Marsouins".
Permettez-moi de vous parler de l’Abbé Ploquin. Les maquisards de Saffré réclamaient un prêtre. Deux capitaines (dont un franc-maçon) vinrent à l’Évêché demander à Mgr l’évêque d’autoriser un abbé, volontaire, à exercer les fonctions d’aumônier d’un maquis. Ce fut un refus brutal.
Ploquin, abbé à Bouvron, prit quinze jours de congés et vint à Saffré. Il fut pris, et, à la Bouvardière, il put donner les sacrements à ceux qui le désiraient. Déporté, il est revenu avec un œil et un rein très abimés. Aussitôt rentré, il alla se prosterner devant son évêque (le même), qui lui dit : "Vous êtes revenu, vous avez eu de la chance. Je ne vous félicite pas !". Nommé curé de Saint-Léger-les-Vignes, une des paroisses les plus petites du département, il a fallu nos protestations pour obtenir son changement pour Thouaré.
Nous savons qu’à Ancenis il y avait une compagnie de choc et un corps franc. Gillis, qui commandait ce dernier, était démarcheur d’assurances. Il avait donc un excellent alibi. Je l’avais chargé de prendre les contacts sérieux.
En avril, j’ai pu rencontrer Elluard, directeur d’école à Belligné et responsable pour l’arrondissement d’Ancenis de Libération-Nord. Son pseudonyme était "Etienne". Officier de réserve d’infanterie, il avait une vocation pour tout ce qui avait trait au renseignement. Aidé d’un poste émetteur de l’Intelligence-Service, situé quelque part au sud de la Loire, et un peu plus tard, du poste de l’équipe Jetburg, il porta des coups très durs à l’armée allemande.
Ce furent d’abord les trains qui lui servirent de cibles. Avec l’aide de "Résistance-Fer", il put constamment donner à l’Etat-Major allié les heures de départ des trains, leur direction et leur contenu. Il poussait la coquetterie jusqu’à indiquer aux douze fidèles avions "lightning" qui travaillaient avec nous, le lieu où ils pourraient détruire, avec le maximum d’efficacité, à la fois le matériel et le personnel.
Les Anceniens se rappelleront sans peine ce train de munitions qui flamba et explosa pendant plus de trois jours en dessous du château de Juigné.
Et ce train, portant cinquante-quatre chars "Tigre" de la division Das Reich, qui fut stoppé en garde d’Ancenis et qui dut abandonner son chargement, sous les platanes, au bord de la Loire.
Dix-sept chars avaient été touchés lors de l’attaque en vol rasant avec des petites bombes brisantes. Les trente-sept autres purent prendre la route la nuit suivante. Grâce à mon épouse, originaire de Metz et qui parle allemand, je pus donner à Etienne le renseignement qui permet à nos amis aviateurs de leur régler leur compte dans la campagne.
La ville d’Ancenis l’avait échappé belle, car il m’avait fallu donner ma parole d’officier que j’indiquerais le jour et l’heure du départ des chars pour éviter le pilonnage de la ville par les forteresses volantes américaines.
Il y avait six mille personnes à Ancenis, dont au moins deux mille Nantais réfugiés là depuis les bombardements des 16 et 23 septembre 1943.
En parcourant à bicyclette le sentier qui longe la voie ferrée, on pouvait se rendre compte du beau travail réalisé par Etienne et l’escadrille amie.
Il y eut aussi l’incendie du pont d’Ancenis, dont l’acteur principal fut un certain M. Georges, force de la nature, qui s’est fait tuer quelques jours plus tard.
Il s’agissait d’arroser avec de l’essence le pont, reconstruit en bois, entre Ancenis et Liré, et d’y mettre le feu, après avoir, en pleine nuit, éliminé la sentinelle allemande.
L’opération devait être réglée minutieusement. Un avion allié devait bombarder le pont et y mettre le feu. Il arriva en retard. Le pont brûlait depuis pluseurs minutes et les Allemands ne furent pas dupes.
Ce fut l’ingénieur, directeur du chantier, qui paya la note en se faisant écraser les orteils à coups de crosse.
Nous avons, depuis, présenté nos excuses à M. Billaud. Nous le félicitons de n’avoir pas parlé, alors qu’il se doutait de beaucoup de choses.
L’affaire la plus spectaculaire fut celle du terrain de Varades.
Les Allemands, harcelé de toutes parts ; leurs aérodromes pilonnés par l’aviation alliée, réfugiaient leur aviation de chasse sur des pistes de fortune.
La grande prairie de Varades, bien que légèrement encaissée, avait été choisie par "ces messieurs" pour y baser quarante "Messerschmitt".
Le terrain fut fauché. Les grands saules qui l’entourent furent taillés de façon à obtenir des grottes de verdure, qui donnèrent autant de garages discrets pour abriter les chasseurs allemands.
Le capitaine Etienne s’était fait embaucher par le cultivateur propriétaire du terrain, lequel avait été mis en demeure de le faucher et d’enlever le foin.
L’emplacement des garages de verdure fut reporté, jour après jour, sur le plan cadastral de Varades.
Le percepteur de cette commune nous fut d’une aide précieuse, malgré son âge avancé. Il avait perdu son épouse et ses enfants. Écrasé par le chagrin, il ne dormait presque pas.
De son grenier, par un œil de bœuf, il prenait en enfilade le terrain de Varades.
Il ne quitta pas, pendant plusieurs jours, son poste d’observation.
Des amis lui fournissaient tous les soins, depuis les repas jusqu’au seau hygiénique.
Il tenait minutieusement un état des arrivées et des départs des chasseurs allemands.
En comparant les observations d’Etienne et celles du percepteur, il fut facile de déterminer qu’à 16 heures il y avait le maximum d’avions dans leurs abris.
Etienne avait, depuis Saint-Marcel, un magnifique pigeon voyageur. Il était beau, très fort et très conscient de son importance. Il se rengorgeait comme un vrai prince du ciel.
La micro-photo du plan cadastral avec tous les renseignements sur le terrain fut placée dans la bague de notre brave pigeon.
Nous nous demandions si, après un aussi long séjour hors de son nid, il retrouverait sa base. Le lendemain ou le surlendemain, Etienne reçut le message suivant : "Colis bien arrivé. Nous vous inviterons au festin".
Une dizaine de jours plus tard, un agent de liaison vint me dire de me rendre tout de suite chez De Caze à Anet. Il était environ 15 heures. A 16 heures précises, les douze fidèles lightnings arrivaient et le cirque commençait.
La plus grosse partie de l’escadrille attaqua la flack allemande. Le reste, comme à la manœuvre, incendia tous les Messerschmitt qui étaient dans leurs abris, ainsi que les dépôts de carburant.
Nous étions fous de joie. Etienne et son équipe venaient de réussir un coup de maître.
Après les trains, les cinquante-quatre chars "Tigre" et les avions de chasse, j’ai l’impression que nous serions allés au poteau d’exécution en chantant, tellement nous étions heureux de tout ce beau travail.
Et pourtant ce n’était pas fini !
Un avion avait été touché. Le groupe de protection intervint immédiatement et, huit jours plus tard, nous étions informés que les aviateurs étaient bien rentrés.
L’avion et tous ses papiers avaient été brûlés par nos amis avant l’arrivée des Allemands.